Entretien avec Stéphane Sonder, technicien immobilier et energy manager

En mai, l’équipe CUBE ÉTAT a eu le plaisir de recevoir Stéphane, en déplacement en métropole pour suivre une formation de GTB, dans les locaux du Championnat de France des Economies d’Energie.

« Réveiller une GTB, c’est d’abord écouter son bâtiment »

 À Fort-de-France, la Cour d’appel s’est engagée dans une démarche ambitieuse de performance énergétique. En 2023, l’établissement intègre la saison 1 du concours CUBE ÉTAT pour structurer ses actions, analyser ses consommations et fédérer les équipes autour d’un projet concret. Au cœur de cette dynamique, Stéphane Sonder, technicien immobilier devenu energy manager, met en œuvre une approche de terrain rigoureuse, entre expertise technique, optimisation des usages et mobilisation humaine.

 

Monsieur Sonder, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

 

Je suis arrivé à la Cour d’appel de Fort-de-France en 2020 en tant que technicien immobilier. Rapidement, j’ai constaté que de nombreuses choses restaient à mettre en ordre, notamment en ce qui concerne les données bâtimentaires et les contrats d’énergie. En 2022, avec l’entrée en vigueur du décret tertiaire, j’ai été nommé energy manager.

Ma première mission a consisté à mettre à jour l’ensemble des données administratives et techniques des bâtiments, et à reprendre tous les contrats EDF. Il manquait beaucoup de mise à jour, les numérotations étaient incohérentes, les contrats surdimensionnés. Après une analyse des consommations sur trois ans, nous avons pu affiner les abonnements aux besoins réels.

Résultat : des économies immédiates, à un moment où les tarifs augmentaient fortement.

 

Qu’est-ce qui vous a motivé à inscrire votre bâtiment au concours CUBE ÉTAT ?

 

Le concours offrait une opportunité concrète de structurer notre démarche de sobriété. Parmi les bâtiments de notre parc, j’en ai choisi un relativement récent, équipé d’une GTB, mais très mal exploitée. À l’inverse, un autre site était en pleine réhabilitation, donc difficile à intégrer.

Ce qui m’a frappé, c’est l’incohérence entre la jeunesse du bâtiment et l’ampleur des factures énergétiques. On avait l’impression de gérer un bâtiment vétuste ! En analysant de plus près, j’ai découvert des salles climatisées 24h/24, des groupes froids qui tournaient en continu… Il était urgent d’agir.

 

Quelles ont été vos premières actions pour améliorer la gestion énergétique du site ?

 

Je me suis basé sur les courbes EDF et les rythmes d’occupation du bâtiment pour établir une stratégie en trois temps :

  • Coupure de la climatisation pendant le déjeuner, sur la plage de pic tarifaire EDF, entre 12h45 et 13h30.
  • Alternance des groupes froids : au lieu de les faire tourner en continu, nous les avons programmés pour alterner à partir de 16h jusqu’à 6h du matin. Cela évite l’usure prématurée.
  • Arrêt complet de la climatisation le week-end, sauf dans les zones techniques sensibles.

Par ailleurs, nous envisageons de mettre en place une climatisation autonome dédiée à ces locaux techniques (GTB, PC sécurité…), pour un coût estimé à 10 000 €. Ce serait beaucoup plus pertinent que de lancer tout un groupe froid juste pour une salle.

 

Vous avez suivi une formation GTB. Qu’en avez-vous retiré ?

 

Ma responsable a noté que j’avais acquis une certaine maîtrise de la GTB et a souhaité m’encourager à aller plus loin. Elle m’a proposé une formation au Comité scientifique et technique des industries climatiques (COSTIC), spécialisée sur la performance énergétique via la GTB.

Cette formation m’a permis de comprendre les différentes étapes : de l’expression du besoin au cahier des charges, jusqu’à la conception d’une GTB fonctionnelle. On y apprend aussi à stabiliser les températures, détecter les dérives de consommation, anticiper les dysfonctionnements.

Depuis, je travaille à mettre en place des alarmes sur les défauts de capteurs, notamment de température et de pression, et à intégrer la Gestion de Maintenance assistée par Ordinateur (GMAO) pour programmer automatiquement les interventions.

 

Comment avez-vous réussi à mobiliser vos collègues dans cette démarche ?

 

Ce n’est pas toujours simple dans le milieu de la justice, où les habitudes sont bien ancrées. J’ai adopté une approche de sensibilisation informelle : je passe dans les bureaux, je discute, je donne des conseils pratiques. J’essaie de faire tomber certaines idées reçues, comme celle selon laquelle il faudrait laisser la climatisation allumée pour “protéger les ordinateurs”…

Nous avons aussi mis en place :

  • Une campagne de communication “Je consomme au bureau comme à la maison”
  • Des affiches, des tutos clim, diffusés en interne
  • Un petit-déjeuner “éco”, pour échanger de manière conviviale
  • Et prochainement, un atelier participatif de création de pictogrammes, à installer près des interrupteurs. Un de mes slogans favoris : « J’allume… à condition d’éteindre ensuite ! »

 

Avez-vous déjà constaté des résultats concrets ?

Oui, très rapidement. Dès avril, les factures ont commencé à baisser de manière significative. Sur une année, nous avons économisé environ 20 000 kWh. Cela montre à quel point le simple ajustement des réglages peut générer des gains importants.

Nous avons aussi revu un contrat EDF datant de 2015. Il était surdimensionné depuis le départ, sans jamais avoir été ajusté. Le modifier nous a permis d’alléger significativement les coûts.

 

Avec le recul, quel regard portez-vous sur la gestion énergétique des bâtiments publics ?

 

Je constate que trop de bâtiments sont livrés sans tenir compte du terrain. Les installations sont parfois mal réceptionnées, mal réglées, la maintenance suit rarement les besoins réels. Cela crée des surcoûts évitables et une usure prématurée.

J’ai une vraie passion pour l’architecture, et je suis convaincu qu’on doit davantage concilier conception, exploitation et réalité d’usage. Chaque bâtiment a une signature énergétique, qu’il faut connaître pour bien anticiper les besoins, notamment face aux pics de chaleur comme nous en connaissons ici en Martinique.

 

Quel message souhaitez-vous transmettre aux futurs candidats CUBE ÉTAT ?

Formez-vous. Prenez le temps de bien connaître votre bâtiment. Interrogez les réglages de la GTB, examinez les contrats, échangez avec les exploitants. Et surtout : ne restez pas seuls.

L’équipe CUBE ÉTAT est disponible, compétente et réactive. Et vous trouverez forcément autour de vous des collègues porteurs de cette même sensibilité énergétique. C’est en associant les compétences que l’on construit des solutions durables.

« Ce sont les compétences croisées qui font les bons résultats. »

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